mardi 15 novembre 2011

À quoi sert l'histoire?

Cher lecteur,

Choisir un programme universitaire n'est pas un choix facile. Entre passion et raison, il faut souvent faire un choix entre des cours menant vers un travail tout désigné à la sortie des études, ou un intérêt vif pour une matière qui n'a malheureusement pas de débouchés directs. Prenons par exemple le programme d'histoire (ou plutôt Études classiques et Études médiévales, par pur hasard!). Regardant mes perspectives de carrière dans le domaine, je dois avouer que ce n'est pas facile. Mais je ne regrette pas mon choix.

Il a fallu en fin de semaine partager ma passion pour ces programmes aux portes ouvertes de mon université. On voit dès le début la place qu'occupent ces programmes dans le coeur de la direction: au bout du couloir, en face des wc. Pas à côté du stand d'histoire, qui lui est plus stratégiquement placé, et ce, même si les deux programmes susmentionnés complètent fort avantageusement le programme d'histoire. Vous voulez travailler sur le Moyen Âge et ne connaissez pas la moindre déclinaison latine? Bonne chance pour trouver les sources! Par exemple, la merveilleuse F.G. doit travailler sur des textes latins pas encore édités... pratique dans ce cas 3 ans de latin! 

Revenons au stand. Malgré l'éloignement, plusieurs personnes passaient devant nous. Si quelques personnes venaient l'oeil vif, manifestement intéressés par les programmes (joie!), plusieurs sont passés devant nous sans un regard. Sans un regard, certes, j'aurais fait de même devant plusieurs stands qui ne m'intéressaient pas. Mais, passer devant un stand en affichant un mépris total (hein, ça existe! Études méédiévales??? C'est quoi ça, études classiques ahah?!), ça dénote un manque de respect total. Le pire je crois est venue d'une étudiante venant demander si le programme est facile. Facile? D'abord, on ne va pas à l'université pour se trouver un programme «facile», ensuite, c'est, je crois, un manque d'éducation, ou je ne sais trop, que de croire que l'histoire, ancienne ou moderne, est facile. Je ne peux pas parler pour histoire, mais je sais en revanche que les programmes d'Études Classiques et d'Études Médiévales sont tout sauf des programmes où «on se prend le beigne». Des heures de traductions latines, des travaux sérieux et longs à faire, des suites d'événements à apprendre... Facile, non, mais je suis sortie de mon bac avec une solide formation en recherche, écriture et communication. Et un esprit critique.

Ce qui m'amène au deuxième point. L'esprit critique. Faire des généralités avec l'histoire, certes. Tout le monde n'a pas envie de se taper de gros livres racontant en 48 volumes une partie de l'histoire du monde. Faire de nouvelles hypothèses, excellent, c'est ce qui fait avancer le savoir. Mais des émissions comme le «Panthéon des tordus» à Historia me fait sortir de mes gonds. Quel jugement de valeur, «tordus»! Surtout appuyés par des faits faux (César n'a pas tué Pompée, chers lecteurs. Et le violon n'existait pas dans l'Antiquité, donc Néron n'a pas pu en jouer!), des résumés simplistes, des analyses ne reposant pas sur de solides recherches. Il faut des historiens pour critiquer des émissions comme cela, ou des articles, livres... Tout ce qui est produit n'est pas de l'or (ou de l'histoire), et avoir une formation à la fois historique et critique permet de s'en rendre compte. 

Je vais terminer en citant deux passages que j'ai trouvés, l'un dans le Forum, l'autre dans la brochure des Études Classiques. Certes, ces supports ne sont pas fait pour critiquer les études universitaires et ne vont pas dire que l'histoire de sert à rien (esprit critique!), mais ils résument parfaitement ma pensée. 



Pierre Sormany revisite «Le métier de journaliste» 21 ans plus tard

«Vous donnez le cours Méthodes journalistiques au Certificat en journalisme de la FEP depuis 1979. L'enseignement du journalisme à l'université est-il utile?
P.S. Oui. L'instinct du bon journaliste, le style et le talent sont des choses qu'on ne transmet pas dans une salle de classe. Mais tout le reste, ça s'apprend. J'ai un grand plaisir à enseigner, et je mets un soin particulier à la correction des travaux.
Plusieurs pensent qu'on ne devrait pas former autant de journalistes quand on sait que le milieu est déjà saturé. Je réponds à cela que l'université n'est pas une fabrique de main-d'œuvre à la solde du marché. Je ne suis pas de ceux qui croient qu'on forme trop d'historiens, de sociologues, de spécialistes des études littéraires.
Il me semble que les habiletés requises en journalisme peuvent être utiles dans de multiples professions. De nos jours, cette capacité d'observer, de mettre en doute, de fouiller, de constituer des liens, de rédiger des synthèses est un atout considérable, que ce soit pour un analyste, un conseiller stratégique ou n'importe quel professionnel appelé à faire de la recherche.»
Promotion du Centre d'études classiques
«Les aptitudes développées lor de ces études, notamment l'esprit critique, permettent également de faire carrière dans tous les domaines où l'originalité et le raisonnement l'emportent sur les connaissances qu'il est possible d'acquérir par soi-même. C'est ainsi que nombre de diplômés trouvent un emploi au sein d'entreprises privées, toutes sphères confondues.»

Bref, l'histoire, une discipline du passé? Certes non! Veni, vidi, vici!
En faisant votre choix de programme pour l'an prochain...
Restez zen!
F.D.


3 commentaires:

  1. Merci F.D. pour cet article ultra pertinent. J'aime beaucoup cet extrait de l'interview de Sormany et suis furieuse du cloisonnement des filières. Bonne idée que de voir au delà des noms de programmes et de mettre en avant les
    enseignements et les techniques apprises !

    Pour anecdote, lors d'un entretien de stage on m'a demandé si ce n'était pas opposé de faire à la fois une spécialité en journalisme et un mémoire en littérature médiévale (il me semble pourtant que les deux nécessitent une bonne écriture) !

    N.D.

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  2. j'adore!
    Et je pleure sur mes pages de latin....


    F.G.

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  3. Il faudra que je fasse un autre message sur les grands-pères qui se demandent pourquoi on n'est pas en droit ou en médecine, parce qu'on sait bien que tous ceux qui ont étudié l'histoire sont à la rue en ce moment, on peut rien faire avec ça... grrrr

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